Élections fédérales 2021
Une élection sous le signe de la stabilité
Sans avoir un enjeu majeur sur lequel se rattacher pour expliquer le déclenchement de cette élection fédérale, les électeurs ont décidé de voter sensiblement pareil qu’à l’élection de 2019, estime Thomas Collombat, professeur agrégé de science politique et directeur du Département des sciences sociales à l’Université du Québec en Outaouais (UQO).
« Comme le Parti libéral n’est pas arrivé avec un message clair au début de l’élection qui disait: voilà, c’est ça l’enjeu de l’élection. C’est autour de ça qu’on justifie qu’on parte en élection. Ça fait en sorte que l’électorat s’est dit qu’il allait reconduire, à toute fin pratique, les mêmes équipes », indique-t-il.
Même s’il est rare de voir des résultats aussi semblables lors de deux élections consécutives, M. Collombat rappelle qu’il n’y a pas eu une longue période entre les deux scrutins et qu’en plus il y a eu la COVID. Ces facteurs ont donc joué dans la pensée des électeurs qui n’a pas beaucoup changé entre les deux votes.
Stabilité en Outaouais
En Outaouais aussi c’est la stabilité qui est ressortie à la suite de cette élection, alors que les candidats du Parti libéral ont remporté à nouveau les quatre sièges. « La région est connue pour être assez fidèle au Parti libéral au niveau fédéral, même s’il y a quand même eu dans l’histoire des changements d’allégeance à l’occasion. »
Le seul changement pour l’Outaouais est l’élection d’une nouvelle candidate pour le Parti libéral dans Pontiac, Sophie Chatel. « Il y a eu un changement de personne dans Pontiac, mais c’est lié à des enjeux individuels, pas à des enjeux politiques. Ça dénote une grande stabilité. »
La meilleure occasion pour un autre parti de faire des gains était dans Argenteuil-La Petite-Nation qui, lors des différentes élections, est l’endroit où la course est la plus serrée en Outaouais. « Ça ne s’est pas concrétisé, souligne Thomas Collombat. Ça confirme d’une certaine façon que la région, à l’image du reste du pays, ne voyait pas la nécessité de changement pour l’instant. »
Un aspect qui aurait pu jouer dans cette élection fédérale en Outaouais, c’est le résultat de la dernière élection provinciale dans la région où cinq députés de la Coalition avenir Québec ont été élus. « Ça aurait pu se transférer au niveau fédéral. En particulier dans une campagne où le Bloc avait décidé de se coller beaucoup au gouvernement du Québec. »
Mais ce n’est pas ce qui se voit en analysant les résultats. « Peut-être que les gens ici font plus la distinction entre le fédéral et le provincial, estime M. Collombat. On est plus conscient de l’impact spécifique qu’a le fédéral dans la vie quotidienne. »
Les résultats semblent aussi démontrer que les candidats sortants avaient fait le travail depuis la dernière élection, selon lui. « La performance individuelle de ceux qui se représentaient n’a pas été un obstacle à leur réélection. »
Toutefois, pour les élections fédérales, le parti politique est encore celui qui détermine le plus le vote. « C’est quand même l’étiquette partisane, la plupart du temps, qui joue beaucoup sur l’élection fédérale. »
Par ailleurs, beaucoup de gens depuis l’élection ont souligné les coûts, plus de 610 M$ pour cette élection pour en venir au même résultat. Un parallèle facile à faire, mais qui doit être vu dans son ensemble, indique Thomas Collombat.
« La démocratie a un coût. C’est important qu’il y ait ce genre d’exercice là. Au final, c’était légal, c’était légitime. »
Reparlera-t-on du vote proportionnel?
Quand on regarde les résultats du vote, le Parti conservateur a eu plus de votes que le parti libéral, mais a remporté moins de circonscriptions. Une situation qui va encore ramener la discussion sur le vote proportionnel qui donne une plus grande place à chaque voix exprimée.
Avant de discuter de cette possibilité, Thomas Collombat fait une mise en garde. « Il faut être prudent. Il faut éviter de transcrire de façon directe le résultat d’un vote populaire dans une élection en mode de scrutin uninominal populaire à un vote de scrutin proportionnel. Si on passait demain matin à un vote proportionnel, les gens ne voteraient pas nécessairement de la même façon qu’ils ont voté à ce scrutin-là. »
Ceci dit, il reconnaît que c’est un sujet qui revient après chaque élection, surtout dans une situation comme celle de cette année où le parti qui a reçu le plus de votes n’est pas au pouvoir. « La discussion est nécessaire et elle est saine. »
« Un mode de scrutin qui déforme de façon importante l’expression du vote populaire, ça mène à des frustrations, à des divisions. On sait que le Canada n’est pas un pays facile à unifier. Il y a des tensions fortes, des frustrations de la part de certaines régions du pays vis-à-vis leur représentation à Ottawa. »
Au Canada, c’est un système hybride qui est le plus souvent discuté quand on parle de changement de vote. Certains députés seraient élus de la même façon que le vote actuel et d’autres seraient choisis en fonction du pourcentage. Pour les adeptes de cette formule, un des avantages est d’avoir une représentation par les partis qui reçoivent moins de vote.
Thomas Collombat ne croit toutefois pas qu’il y ait une réelle volonté pour un changement de la part des partis quand ils sont au pouvoir. Le Parti libéral avait indiqué son intention de travailler ce dossier lors de la campagne de 2019 et le projet est tombé tout de suite après l’élection, rappelle-t-il.
« Est-ce que c’est raisonnable de penser que très rapidement la discussion va se faire à la Chambre des communes et qu’on peut voir des changements arriver très tôt? Je ne suis pas très optimiste à cet égard là si je me mets dans les souliers de quelqu’un qui est favorable. »
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