Chronique Historique
Une journée d’hiver dans les chantiers forestiers d’autrefois
Michel Prévost, D.U., président de la Société d’histoire de l’Outaouais
Au 19e siècle et dans les premières décennies du 20e siècle, la vie dans les chantiers forestiers de la Vallée-de-la-Gatineau s’avère très difficile en hiver. Les bûcherons et les hommes qui assurent le bon fonctionnement des camps doivent travailler de longues heures, affronter le froid et la neige et vivre pendant de long mois dans la solitude de la forêt.
L’historien et archiviste Pierre Louis Lapointe s’est intéressé à la vie quotidienne dans les chantiers de l’Outaouais dans son livre L’homme et la forêt. L’exemple de l’Outaouais. Voyons de plus près comment se déroule une journée hivernale dans un camp forestier.
Une levée matinale
Dès 4 heures du matin, à la grande noirceur, le cuisinier et ses aides sont les premiers à se lever pour préparer le déjeuner des bûcherons. Ils ne sont toutefois pas les seuls à sortir du lit à l’aurore, car les charretiers doivent soigner et atteler les chevaux, en plus de dégeler les traîneaux.
Une heure plus tard, toujours dans le noir, c’est au tour des bûcherons de se préparer et se mettre à table. Comme l’indique le témoignage du père oblat Joseph-Étienne Guinard (1864-1965), qui séjourne à Maniwaki au tournant du 20e siècle, à cette époque, la toilette matinale se fait très rapidement : « Au matin, il faisait extrêmement froid dans les cambuses. Les hommes se réveillaient avec du givre sur les moustaches et dans les cheveux. Dans ces conditions, on comprendra que personne n’avait le cœur à se laver. L’eau glacée donnait des crampes aux mains des braves qui s’obstinaient à se faire quelques ablutions matinales. »
Une longue journée
Le travail en forêt se fait du lever au coucher du soleil, soit vers 7 h le matin à 16 h au début de l’hiver et plus tard en mars. Les bûcherons marchent jusqu’au lieu de coupe, situé à moins de cinq kilomètres du campement. Deux équipes de deux ou trois bûcherons coupent proche à proche avec un charretier qui avec son attelage de deux chevaux transporte le bois jusqu’au plan d’eau le plus près.
Vers midi, les hommes cessent le travail pour manger. Il faut rapidement allumer un feu pour réchauffer les fèves aux lards de la veille accompagnées de grillades de lard, faire rôtir les tranches de pain et faire bouillir le thé, qui accompagne tous les repas. Certes, cette nourriture donne beaucoup d’énergie, mais elle n’est pas facile à digérer. Heureusement, on connaît déjà les bienfaits du bicarbonate de soude que l’on mélange à l’eau.
Le retour au camp
Le retour au camp, toujours à pied, s’effectue juste avant la noirceur. Le souper est prêt vers 18 heures, suivi d’une courte soirée tranquille. Les mémoires du père Guinard nous renseignent sur le déroulement de la soirée : « À la période agitée du souper succédaient les instants sacrés et tranquilles de la bonne pipe du soir. Puis, on tournait la meule, on fabriquait des leviers et des manches de hache; bref on s’occupait des outils de travail. Au tour du foyer qui pétillait, des perches accrochées au toit supportaient les mitaines, les vêtements, les bas, les chaussons, les bottes. Toutes ces choses fumaient et répandaient dans la cambuse une forte odeur. »
Comme le note bien Pierre Louis Lapointe, les hommes de chantier d’autrefois devaient avoir la « couenne dure »! La vie est rude et le travail est exigeant. Il ajoute toutefois : « malgré tout, ces hommes trouvent le temps de se reposer et de goûter à ces rares moments de paix et de sérénité qui rendent la vie supportable. C’est ce qui leur permet de recharger leurs batteries et d’être de reprendre le travail au petit matin. »
En somme, cette description d’une journée typique des hommes dans les chantiers de l’Outaouais permet de réaliser à quel point le travail en forêt est difficile, particulièrement au 19e et au début du 20e siècle, dans la Vallée-de-la-Gatineau et en Outaouais. Heureusement, après la Grande Crise des années 1930, les conditions de travail en forêt s’améliorent progressivement.
Voir Pierre Louis Lapointe, L’homme et la forêt, L’exemple de l’Outaouais, Québec, Les Éditions GID, 2015, p. 215-225.
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