Chronique Historique
Vital Émard, dit Potvin: homme fort et bras droit de Jos Montferrand
Michel Prévost, D.U., Société d’histoire de l’Outaouais
À quelques kilomètres à l’est d’Aumond, se trouve le hameau de Val-Émard et le chemin Émard. Ces deux toponymes rappellent la mémoire de Vital Émard dit Potvin, un des personnages les plus flamboyants de la Vallée-de-la-Gatineau. Émard est connu pour ses prouesses d’homme fort et comme bras droit de Jos Montferrand, la plus grande figure légendaire de l’Outaouais et du Canada français.
Vital Émard dit Potvin est né le 3 février 1813, à Saint-Constant, au Bas-Canada (Québec). Il épouse au même endroit, le 3 juin 1839, Olive Hébert qui lui donnera le nombre incroyable de 29 enfants, tous vivants.
Après avoir vécu à Saint-Constant, le couple déménage à plusieurs reprises au Québec: Saint-Isidore, Saint-Rémi et Beauharnois. La famille s’installe par la suite à Embrun, dans l’Est ontarien, et aurait habité quelque temps à Hull.
L’homme fort s’installe à l’endroit qui porte aujourd’hui son nom vers 1874. L’historienne Manon Leroux écrit dans L’autre Outaouais. Guide de découverte du patrimoine, que l’athlète serait sans doute venu s’établir à Aumond avec sa famille sous l’influence des Oblats, une communauté religieuse bien présente à Embrun et dans la Vallée-de-la-Gatineau.
Quoi qu’il en soit, Émard vient s’installer près des chantiers forestiers de Joseph Aumond, le seul baron du bois francophone de la vallée de l’Outaouais. Vital Émard décède à Castor Blanc le 14 mai 1881, à l’âge de 68 ans. Il repose dans l’ancien cimetière de Saint-Cajetan, à une quinzaine de kilomètres d’Aumond.
Un géant
Haut de ses six pieds (1,82 m.), une taille exceptionnelle pour cette époque et en très grande forme physique, Émard se fait connaître dès l’âge de 17 ans à Châteauguay, le long du fleuve Saint-Laurent, en battant un matamore qui avait lancé un défi contre les hommes forts du coin. Tout au long de sa vie, le géant doit relever ce genre de défi.
Le bras droit de Montferrand
Comme ses exploits sont connus, il n’est guère surprenant d’apprendre que Vital Émard est un ami fidèle de Jos Montferrand (1802-1864), tour à tour bûcheron, défricheur, draveur, contremaître de chantier, maître de cages de l’Outaouais et surtout l’une des plus grandes figures légendaires du Canada français.
Dans la première moitié du 19e siècle, les tensions sont très vives en Outaouais entre les Canadiens français et les Shiners, un groupe de fier-à-bras irlandais qui s’étaient mis dans la tête de chasser les francophones de la vallée de l’Outaouais. À cette époque, les deux groupes ethniques sont en compétition pour le travail dans l’industrie forestière, qui s’avère alors le pilier économique de la région.
C’est dans ce contexte que Montferrand a besoin d’un bras droit de la stature de Vital Émard afin de défendre les siens qui sont fréquemment attaqués par les Shiners. Tout comme Montferrand, Émard n’est toutefois pas perçu comme l’attaquant.
Ainsi, le folkloriste et historien, Édouard-Zotique Massicotte, passionné par les mythes et légendes sur les hommes forts du Canada français du 19e siècle, écrit à son sujet: « Très affable dans son état naturel, il devenait tout autre lorsqu’on l’irritait, et malheur à celui qui provoquait son ire ». Évidemment, toute attaque des Shiners à l’égard des siens devait irriter Émard au plus haut point.
Fait intéressant, on raconte que tout comme Montferrand, Émard est capable de toucher le plafond avec son talon. Par exemple, il aurait réalisé cette prouesse à l’ancien hôtel Lafontaine à Thurso. Pour les deux géants, il s’agit de leur carte de visite.
Contrairement à Jos Montferrand, les historiens et romanciers se sont toutefois peu intéressés à Vital Émard. Par ailleurs, nous n’avons pas trouver une seule photographie, peinture ou un dessin pouvant illustrer cet homme fort pourtant célèbre auprès de ses contemporains.
Il ne fait pas de doute que ce personnage, qui est l’ancêtre des Émard dit Potvin dans la Vallée-de-la-Gatineau, mériterait que l’on s’intéresse plus à lui et à ses nombreux exploits qui ne doivent pas tomber dans l’oubli.
Voir:
- Manon Leroux, L’autre Outaouais. Guide de découverte du patrimoine, Gatineau, Pièce sur pièce, 2012, 607 p.
- Ben Weider et E.Z. Massicotte, Les hommes forts du Québec. De Jos Montferrand à Louis Cyr, Trois-Pistoles, Éditions Trois-Pistoles, 1999, 326 p.
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