Les croix de chemin
Un patrimoine religieux et culturel à valoriser (1/2)
COLLABORATION SPÉCIALE, MICHEL PRÉVOST, PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ D’HISTOIRE DE L’OUTAOUAIS. En parcourant les campagnes de la Vallée-de-la-Gatineau, on croise encore quelques croix de chemin. Certaines sont modestes comme celle sur le chemin Blue Sea alors que d’autres sont des œuvres d’art comme celle de Déléage. Plusieurs de ces croix sont bien entretenues, mais d’autres se détériorent rapidement ou sont déjà disparues. Ce patrimoine religieux et culturel demeure fragile puisque la grande majorité de ces structures sont en bois. Exposées toute l’année au soleil et aux intempéries, ces croix n’ont pas une longue vie si elles ne sont pas bien entretenues ou remplacées quand le bois se dégrade.
Des témoins de la présence francophone
Au Canada, les croix de chemin sont associées à la présence des francophones. C’est au Québec que l’on en compte le plus avec quelque 2 500. On en trouve aussi environ une centaine en Ontario, une trentaine au Nouveau-Brunswick et une vingtaine au Manitoba. Dans la Vallée-de-la-Gatineau, c’est à Messine que l’on en voit le plus, avec quatre croix de chemin. C’est bien peu à comparer à autrefois où presque chaque rang possédait sa croix.
Les croix de chemin se cachent dans les campagnes, souvent à la croisée des routes ou près d’une ancienne école de rang. Plus rarement, elles rappellent le lieu d’une ancienne chapelle. Ces structures sont parfois présentes dans les villes à cause de l’étalement urbain ou ont été déplacées de leur lieu d’origine.
Une tradition séculaire
Les croix de chemin nous viennent de France où les premières sont plantées au Moyen Âge par des moines chrétiens. En 1534, Jacques Cartier érige dès son arrivée au Canada une croix à Gaspé. En fait, les Français amènent avec eux la coutume d’élever une croix en signe d’appartenance à la foi catholique. C’est ce qui explique que les premières croix, le long du fleuve Saint-Laurent, datent du XVIIe siècle et se répandent au XVIIIe et encore plus au Canada français au XIXe et dans la première moitié du XXe siècle.
On continue d’ériger ces croix jusqu’au début des années 1960. Par la suite, avec l’urbanisation rapide, l’élargissement des routes et surtout la baisse des pratiques religieuses, on cesse d’en élever de nouvelles. Faute d’entretien, leur nombre décroit rapidement et il faut attendre le tournant du XXIe siècle pour assister à un réveil.
Des croix diversifiées
Au cours des premiers siècles, les croix de chemin sont fabriquées en bois et blanchies. Par la suite, on en voit parfois en fer forgé, en métal et en béton. Elles mesurent entre cinq et six mètres, mais leur apparence varie beaucoup. En effet, certaines se limitent d’un poteau et d’une traverse alors que d’autres exposent plusieurs symboles de la crucifixion du Christ: lance, échelle, éponge, marteau, pince et trois clous. Certaines d’entre elles possèdent une petite niche qui renferme une statuette de la Vierge.
Témoins de la foi
Les croix de chemin sont plantées pour répondre à la foi et aux pratiques religieuses des catholiques francophones. Elles servent de protection divine. Ainsi, les cultivateurs demandent de bonnes récoltes, la protection du ciel contre les sécheresses, la grêle et les invasions de sauterelles. Nous avons d’ailleurs un bel exemple en Outaouais.
En 1908, une sécheresse favorisant une invasion de sauterelles menace la Petite-Nation. Devant ce fléau, le curé de Ripon, Jacob Guay, annonce au prône des processions dans les rangs de sa paroisse avec des arrêts aux croix de chemin. Des paroissiens du rang du lac Groleau s’empressent d’en ériger une sur le site de l’ancienne chapelle. Le dimanche suivant, l’abbé bénit le monument et procède à un rituel pour chasser les sauterelles. Peu après, il a plu et les sauterelles sont parties.
Dans d’autres cas, on installe ces croix pour remercier le ciel pour une faveur obtenue. Il s’agit d’un ex-voto. D’autres croix sont érigées pour commémorer une personne ou un événement important. Ainsi, en 1934, plusieurs sont élevées pour souligner le 400e anniversaire de l’érection à Gaspé de la croix de Cartier. À suivre le mois prochain.
Voir: Vanessa Oliver-Llyod, Les croix de chemin au temps du bon Dieu, Éditions du passage, 2007.
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