Collaboration spéciale, Michel Prévost, D.U, président de la Société d’histoire de l’Outaouais.
Il s’avère vraiment surprenant d’apprendre que les historiens ne connaissent pas l’origine exacte du toponyme Gatineau. En effet, malgré les nombreuses recherches dans les archives et les imprimés, la Commission de toponymie du Québec n’est toujours pas en mesure de confirmer avec exactitude la provenance de ce nom.
Pourtant, ce toponyme est associé à la Municipalité régionale de comté (MRC) de La Vallée-de-la-Gatineau depuis sa création en 1982, au plus important affluent de la rivière des Outaouais, à la quatrième ville du Québec, à un archevêché et à un magnifique parc de verdure. En plus, dans le Répertoire des noms de lieux de la Commission de toponymie, on retrace une cinquantaine de lieux qui portent le nom de Gatineau.
Les débuts
En 1613, lors de son premier passage sur la rivière des Outaouais, le grand explorateur Samuel de Champlain est le premier Européen à parler « de la rivière qui vient du nord » parcourue depuis des millénaires par les Autochtones, mais il ne la nomme pas. En 1721, l’arpenteur canadien Noël Beaupré fait le procès-verbal de la rivière, mais ne lui donne pas de nom. Bref, le toponyme Gatineau n’est pas utilisé en Nouvelle-France.
En fait, ce n’est qu’en 1783 que la rivière est mentionnée sous la forme de Lettinoe dans un rapport du lieutenant David Jones envoyé au gouverneur du Québec, sir Frederic Haldimand. En 1817, une carte de Theodore Davis indique Gatteno, nom repris avec Gatino, Gateno et Gattino sur des plans de Philemon Wright, le fondateur du canton de Hull, et par le lieutenant-colonel John By, l’ingénieur responsable de la construction du canal Rideau.
Il faut attendre 1821, pour que le nom Gatineau figure pour la première fois sur carte du canton de Nepean, en Ontario. On revoit le même nom sur la carte de William Henderson en 1831 et sur une autre dessinée, trente ans plus tard, par l’arpenteur Thomas Devine. Par la suite, la rivière demeure toujours désignée comme étant la Gatineau.
Les origines
Si les historiens s’entendent pour dire que Gatineau est utilisé depuis 200 ans, les origines du nom demeurent plus nébuleuses. Certes, pour la majorité des sources, Gatineau rappelle le nom de Nicolas Gatineau, dit Duplessis (1627-1689). Notable de Trois-Rivières, ce dernier préfère faire la traite des fourrures, sans doute plus lucrative, que d’occuper sa fonction de notaire. De la rivière Saint-Maurice, on peut joindre par des portages la rivière Gatineau. C’est ce qui explique que Nicolas Gatineau se rendait jusqu’en Outaouais pour son commerce de pelleteries.
Pendant longtemps, les écrits affirment que ce marchand de fourrures s’est noyé dans la rivière qui porte son nom. On sait aujourd’hui que Gatineau est mort dans un lit à l’hôpital de Québec, car un document d’archives le prouve hors de tout doute. Cette noyade relève de la légende.
Cela dit, d’autres sources affirment que Gatineau tire plutôt ses origines du nom des fils de Nicolas, Louis (1674-1750) et Jean-Baptiste (1671-1750) qui avaient établi, à la fin du XVIIe siècle, un poste de traite à l’embouchure de la rivière Gatineau, qui deviendra par la suite Pointe-Gatineau. Ainsi, ce toponyme rappelle peut-être les fils de Gatineau et non le père. C’est plausible, mais impossible à prouver hors de tout doute.
Pour compliquer encore plus les choses, pour d’autres, ce nom serait plutôt une déformation des noms autochtones « àgatinung » et « nnàga`tinong ». En effet, on voit ces noms sur des cartes manuscrites du trafiquant de fourrures et auteur, Jean-Baptiste Perrault dessinées vers 1830. Lorsque l’on connaît l’importance de la présence des Anishinabegs sur les cours d’eau de la région, nous ne pouvons certes pas écarter une déformation possible de mots autochtones.
Une zone grise
En somme, bien que la majorité des sources convergent vers Nicolas Gatineau, il reste toujours une zone grise sur les origines du nom Gatineau. Cela dit, des historiens ou des archivistes trouveront peut-être un jour la racine véritable du toponyme Gatineau, mais la réponse définitive n’est certainement pas pour demain.
Voir Commission de toponymie du Québec, Dictionnaire illustré des noms de lieux du Québec et le site web de la Commission: https://toponymie.gouv.qc.ca/ct/accueil.aspx.
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