Bouchette
Sauver une forêt ou faire du développement?
Il semble qu’il sera difficile pour certaines personnes d’accepter qu’une coupe de bois ait lieu dans une forêt en bordure de la réserve écologique du Père Louis-Marie à Bouchette. Par chance pour eux, le projet qui devait avoir lieu cet hiver est repoussé et la population pourra se prononcer.
Gilles Bastien, maire de Bouchette, se questionne sur une coupe de bois prévue qui représente près de 50% d’une forêt située dans une zone de terres publiques intermunicipales (TPI) située entre Bouchette et Sainte-Thérèse-de-la- Gatineau. C’est la « façon de faire » de la MRC de la Vallée-de-la-Gatineau qu’il juge questionnable. Serait-on prêt à couper une forêt à fort potentiel pour du développement économique? La question le chicote.
L’organisme Forêt Vive réagit et veut sauver la forêt
Comme Gilles Bastien est membre de Forêt Vive, ses préoccupations ont éveillé la curiosité de l’organisme qui prône la conservation des espaces naturels ou leur aménagement de manière à assurer leur survie et développement naturel.
Une cohorte s’est donc déplacée sur place le 3 novembre dernier pour visiter la forêt en question qui contient, entre autres, une cédrière et une pinède. Les visiteurs étaient constitués d’un biologiste, d’un ingénieur forestier, des membres de Forêt Vive, ainsi que d’une chercheuse de l’Université du Québec en Outaouais (UQO).
L’organisme Forêt Vive, sans égard aux intérêts que pourraient porter les uns ou les autres à vouloir couper cette forêt, a constaté que la coupe, comme prévue, ne respecterait probablement pas la distance exigée entre celle-ci et la réserve écologique qui se trouve juste à côté et dont la pinède de Bouchette concernée par la future coupe de bois est la continuité.
En ce sens, Forêt Vive a fait parvenir une demande à la MRC de la Vallée-de-la-Gatineau demandant de conserver intégralement ce territoire puisqu’il est représentatif de la forêt de pin originale et vierge de la région. Ces forêts sont rares, spécialement en milieu habité. Selon Forêt Vive, il serait beaucoup plus profitable de conserver cette forêt intacte et de s’en servir comme lieu d’éducation, particulièrement dans le contexte de création d’un parc régional.
Constatations terrain
À première vue, Marie-Eve Roy, chercheuse à l’UQO pour le consortium de recherche IFOR, ne croit pas qu’il puisse s’agir d’une forêt rare, car des souches démontrent l’action humaine qui a laissé des traces dans cette forêt. Cependant, elle est presque certaine qu’un inventaire de plantes y révèlerait qu’il s’agit d’une forêt refuge qui hébergerait des plantes rares du Québec.
La chercheuse, qui est aussi enseignante universitaire est aussi d’avis que cette forêt devrait être protégée pour y organiser des recherches terrain pouvant servir à des étudiants. Elle suggère d’ailleurs un inventaire des plantes se trouvant sur cette portion de forêt.
Tout comme les autres participants à la marche organisée par Forêt Vive, elle se questionne sur la proximité de la coupe de bois du territoire de la réserve écologique du Père Louis-Marie.
Forêt Vive dit ne pas s’opposer systématiquement à des projets de coupes de bois, mais veille à ce qu’ils soient réalisés en respect de la forêt. Sans trouver de réponse, tout comme les autres personnes présentes sur le terrain, les représentants de l’organisme se questionnent sur la rentabilité d’une telle coupe de bois dans cette forêt en particulier. Une fois celle-ci accomplie, ils sont sur l’impression que la compagnie forestière qui aura fait le travail n’en ressortira pas avec de grands revenus. Alors, effectivement, le doute plane un peu de leur côté aussi. Pourquoi raser 50% de cette forêt en particulier?
La Corporation du parc régional du 31 milles concernée
En réalisant une coupe forestière sur ce TPI en particulier, un chemin forestier sera aménagé. Ce dernier permettra d’établir par la suite, à moindre coût, un tracé reliant Sainte-Thérèse de la Gatineau à Bouchette. À partir de cette route, un chemin déjà existant permettra d’accéder à la baie Gabriel, à un endroit où la Corporation du parc régional (CPR) du 31 milles souhaite aménager une plage publique.
À ce niveau aussi, Gilles Bastien est inquiet. Une sortie géomorphologique a eu lieu le 13 novembre sur le site de la future plage et a permis au maire d’y découvrir des cèdres âgés de 350 et 500 ans, explique le principal intéressé.
Rock Carpentier, maire de Sainte-Thérèse-de-la-Gatineau et président de la CPR du lac 31 milles, croit qu’aménager une route reliant Bouchette à Sainte-Thérèse-de-la-Gatineau avec accès à une plage publique serait un développement durable profitable pour les deux communautés.
Kimberly Masson, directrice générale de la CPR du lac 31 milles, explique qu’effectivement, si un projet de coupe de bois avec aménagement d’une route d’accès pour effectuer celle-ci permet aux deux municipalités et à la MRC de sauver des coûts pour le projet futur d’accès intermunicipal, la concertation est importante entre tous les acteurs.
Cependant, Kimberly Masson et Rock Carpentier insistent tous deux pour rassurer le milieu. L’aménagement d’une place à la baie Gabriel n’a rien à voir avec la coupe d’arbres sur les terres publiques intermunicipales (TPI), cette forêt est prévue pour l’exploitation depuis plusieurs années.
Une plage nouveau genre, écologique et durable
Kimberly Masson précise aussi que l’aménagement prévu d’une plage ne demandera pas de coupes d’arbres bénéfiques au lac. Il s’agira d’un endroit nouveau genre, où les hamacs et autres installations plus naturelles remplaceront le sable sur lequel les gens sont habitués d’étendre leurs serviettes de plage. L’un des objectifs de la corporation est, depuis ses débuts, de protéger le lac.
Gilles Bastien ne s’étonne pas que certains croient qu’il jalouse la coupe de bois prévue cet hiver, considérant qu’il a lui-même exploité la partie est de ce secteur en 2007 et 2008. Ce qu’il souhaite, il le répète, c’est ne pas voir disparaitre 50% d’une forêt avec fort potentiel dans un processus de décision qui lui semble questionnable.
Coupe de bois de Bouchette remise à plus tard
Dominic Lauzon, directeur de l’aménagement à la MRC de la Vallée-de-la-Gatineau confirme que cette dernière est en révision de ses outils de planification et que les travaux d’aménagement de ce secteur de Bouchette seront inclus dans la planification. Dans le processus de révision, une consultation est prévue. Forêt Vive ou tout autre personne, organisme ou ministère qui le désire aura donc l’occasion de déposer commentaires ou demandes. Cette révision n’a pas de lien avec la lettre reçue par la MRC venant de Forêt Vive demandant de ne pas faire de coupe dans la forêt de Bouchette, mentionne M. Lauzon. Cependant, il indique que la MRC est toujours à l’écoute des utilisateurs du territoire et dans une optique d’harmonisation des usages, elle entend les préoccupations de ses partenaires municipaux, gouvernementaux et corporatifs ainsi que les préoccupations citoyennes.
Face aux inquiétudes reliées au fait que la coupe serait effectuée trop près de la réserve écologique, Dominic Lauzon se fait rassurant. Selon l’article 7 du règlement sur l’aménagement durable des forêts du domaine de l’État, une lisière boisée d’au moins 60 mètres de largeur doit être conservée autour d’une réserve écologique. Il n’y aura donc pas de coupe dans le 60 mètres. Même son de cloche pour les chemins qui seront aussi aménagés à l’extérieur du 60 mètres, précise le directeur de l’aménagement. Peu importe le tracé choisi, la lisière boisée réglementaire sera respectée assure-t-il.
Pour le projet de la CPR visant à connecter Bouchette à Sainte-Thérèse-de-la-Gatineau via un nouveau chemin d’accès, ajoute, M. Lauzon, il leur appartient d’avoir les autorisations des différents ministères pour mener à terme ce projet.
Qu’est-ce qu’une forêt exceptionnelle?
Selon les informations fournies sur le site du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec (MFFP), préserver les écosystèmes forestiers exceptionnels contribue à maintenir une composante cruciale de la diversité biologique : la diversité des écosystèmes forestiers.
L’appellation écosystème forestier exceptionnel réfère à trois catégories d’écosystèmes forestiers: les forêts rares, les forêts anciennes et les forêts refuges d’espèces menacées ou vulnérables.
Les forêts rares sont des écosystèmes forestiers qui occupent un nombre restreint de sites et couvrent une superficie réduite. La rareté est généralement d’origine naturelle. Par exemple, les peuplements de pins rigides sont rares dans tout le Québec, alors que ceux de chênes rouges sont communs dans le sud-ouest de la province, mais rares dans la péninsule gaspésienne.
L’expression forêt ancienne désigne des peuplements dans lesquels on trouve de très vieux arbres et qui ont été peu modifiés par l’Homme et les perturbations naturelles. Ces forêts ont comme particularité de renfermer à la fois des arbres vivants, sénescents et morts et un sol parsemé de gros troncs à divers stades de décomposition. On dénombre peu de forêts anciennes au Québec.
Les forêts refuges abritent une ou plusieurs espèces végétales menacées ou vulnérables, y compris les espèces susceptibles d’être ainsi désignées. On peut y trouver, selon le cas, une espèce d’une grande rareté, au moins trois espèces menacées ou vulnérables ou encore une population remarquable d’une espèce menacée ou vulnérable.
Liste des écosystèmes forestiers exceptionnels en Outaouais
Selon une liste établie par le MFFP, l’Outaouais compterait une vingtaine d’écosystèmes forestiers exceptionnels protégés par la Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier. Plusieurs autres sites qui ne sont pas classés en tant qu’écosystèmes forestiers exceptionnels en vertu de cette loi, mais qui ont une valeur analogue, ne figurent pas sur la liste du MFFP.
Sur 11 forêts anciennes en Outaouais, cinq sont situées dans ou à proximité de la Vallée-de-la-Gatineau. Sur dix forêts refuges, la Vallée en compte environ quatre ou cinq sur son territoire ou à proximité et sur deux forêts rares, une serait située en Haute-Gatineau, au nord-ouest de la ville de Mont-Laurier.
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