Conférence à Val-des-Monts
Kim Thuy : « Rejoindre les gens à partir de l’estomac plutôt que par l’intellect »
La conférence de la romancière bien connue Kim Thuy a enchanté le public montvalois le samedi 30 septembre pendant 2h30. L’événement se déroulait à l’occasion des Journées de la culture à Val-des-Monts. L’auditoire a écouté un personnage charismatique qui a eu plusieurs vies en une seule. Le 24 novembre prochain, sortira "Ru", le film adapté de son premier roman éponyme qui fut un grand succès.
Quelle a été la thématique de cette conférence ?
La thématique était « le succès de mes échecs ». C’était le thème officiel, mais on a parlé du rôle de la culture ; de résilience, d’adaptation au changement. Chaque conférence est différente : je m’adapte au public et aux besoins de l’organisation qui m’invite.
Vous avez un parcours singulier. Plusieurs vies en une seule…
(Elle me coupe) Un parcours erratique (rires).
En général, quand quelqu’un commence une carrière d’avocat, c’est pour toute la vie (elle n’aura exercé que pendant quatre ans). Pourquoi avoir quitté la robe ?
C’est une question de circonstances. J’ai été envoyée en affectation au Vietnam et j’ai eu mes enfants, par la suite. Au retour, j’ai eu l’idée d’ouvrir un restaurant. À la base, je ne savais pas cuisiner. J’ai appris sur le tas.
Une chose après l’autre. Ça n’était pas un objectif très clair. C’est un parcours d’errance. Il y a eu des opportunités qui se sont offertes à moi et j’ai dit oui (sourire).
Sans l’échec de votre restaurant, auriez-vous écrit ?
Non. Le restaurant avait un grand succès d’estime, mais si j’avais réussi financièrement, je serais encore restauratrice aujourd’hui.
La cuisine, à travers vos écrits, est aussi présente.
Oui, tout à fait. La nourriture rejoint tout le monde. Ça joue directement sur notre mémoire, nos émotions. Il est très facile de parler d’émotion à travers la nourriture. Au lieu de rejoindre les gens à partir de l’intellect, je les rejoins à partir de l’estomac (rires). Après ça, on remonte vers le côté plus rationnel.
Au Vietnam, vous avez été avocate dans les années 90 ? Quel Vietnam avez-vous trouvé, 20 ans après l’avoir quitté ?
C’était un nouveau Vietnam que je ne connaissais pas. Je suis née dans le sud (Hô Chi Minh-Ville). Quand j’y suis retournée, c’était le nord à Hanoi (la capitale). En 1978, le pays était divisé en deux parties qui communiquaient peu. À mon retour, le pays était unifié.
Je ne connaissais pas du tout le nord, ce fut un apprentissage. Je connaissais un peu la langue évidemment, mais ce fut une découverte.
Vous y êtes-vous sentie étrangère ou en décalage ?
Oui, bien sûr ! J’étais déjà trop canadienne. Donc, je regardais le Vietnam à partir des yeux d’une Québécoise.
Dans un texte, vous résumiez le Québec par le mot humilité. C’est aussi un terme que l’on accole aux cultures asiatiques. Serait-ce un point commun ?
Oui, tout à fait. Mais, il y a une grande différence. On se rejoint de deux manières différentes. Le Vietnam a été en guerre pendant tellement longtemps que les circonstances ont imposé l’humilité. Le pays a vécu beaucoup de chaos. J’ai vécu mes 10 premières années au milieu des couvre-feux.
Alors que le Québec est un pays en paix. On n’a pas besoin de se battre. On recherche cette paix pure et le consensus pour que la paix puisse continuer.
En toute humilité, votre conférence a-t-elle été une leçon de vie ?
C’est un très grand mot. Il y a eu beaucoup de questions. J’ai partagé mon expérience. Une autre réalité. Parfois, quand on se tient toujours au même endroit, on a de la difficulté à voir autrement. J’ai voulu montrer une autre façon d’interpréter les épreuves. Les épreuves, c’est normal. Vivre est une épreuve en soi (rires).
Dans un pays en paix, les épreuves sont toujours surprenantes. Les routes sont tellement belles que chaque nid-de-poule me surprend. Dans un pays en guerre, on est plutôt surpris qu’il n’y ait pas de trou de mine…
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