Les ponts couverts
Les derniers toits des rivières de la Vallée-de-la-Gatineau (première partie)
PAR MICHEL PRÉVOST, président de la SHO| En parcourant la Vallée-de- la-Gatineau, on ne voit plus que quatre ponts couverts pour embellir les paysages. Pourtant, autrefois, on en comptait une centaine en Outaouais et plus de 1 000 au Québec. Aujourd’hui, on n’en dénombre plus que huit en Outaouais, dont la moitié dans la Vallée-de-la-Gatineau, et quelque 85 au Québec. Certes, c’est très peu, mais cela s’avère encore plus que certaines régions québécoises ou en Ontario, où il n’en reste plus qu’un seul.
En Amérique du Nord, le premier pont couvert est construit en 1805 à Philadelphie, aux États-Unis. Ce sont les loyalistes américains qui importent au Québec ces structures vers 1820. C’est d’ailleurs chez nos voisins du Sud, particulièrement en Nouvelle-Angleterre, que l’on en voit le plus grand nombre avec environ 850 ponts couverts. À travers le monde, il en reste 1 300, soit presque le même nombre que l’on trouvait autrefois au Québec.
Les ponts de l’Outaouais
En Outaouais, les ponts couverts, aussi appelés ponts rouges, apparaissent à la fin du XIXe siècle. Il ne reste plus qu’un seul témoin de cette époque, le pont Félix-Gabriel-Marchand sur la rivière Coulonge à Mansfield-et-Pontefract, dans le Pontiac. La plupart sont toutefois construits au début du XXe siècle avec la colonisation et pendant la Grande Crise des années trente. Dans la Vallée-de-la-Gatineau, le plus ancien pont couvert date de 1925. Il s’agit de celui de l’Aigle, sur la rivière Désert, qui a fait les manchettes en 2020 à cause d’un possible déménagement.
Dans la Haute-Gatineau, la plupart des ponts rouges sont bâtis dans les années 1930. C’est le cas pour trois des ponts couverts encore existants dans la région : Savoyard en 1931, Cousineau en 1932 et Marois en 1933.
Certains appellent aussi ces structures « ponts de la colonisation » et « ponts de la Crise ». Cette dernière appellation s’avère appropriée puisque durant cette période où le chômage atteint des sommets, le gouvernement du Québec en fait construire plusieurs pour donner du travail aux ouvriers.
Les autorités cessent de bâtir des ponts couverts après la Seconde Guerre mondiale. En Outaouais, le dernier est érigé en 1958 à Sainte-Cécile-de-Masham, à l’entrée nord du parc de la Gatineau.
Un tablier bien protégé
Contrairement à ce que l’on peut penser aujourd’hui, les ponts rouges ne sont pas construits pour embellir nos paysages ou par romantisme, bien que certains les surnomment les « ponts de l’amour », mieux connus en anglais comme les « kissing bridges ». De plus, contrairement à ce que l’on croit souvent, ces structures ne sont pas érigées pour les protéger contre les chutes de neige. En fait, ces ponts couverts sont construits pour protéger la base en bois. Un tablier exposé à la pluie, au soleil et aux intempéries ne vit qu’une vingtaine d’années, alors que celui bien entretenu et protégé par un toit peut durer une centaine d’années.
Voilà une économie substantielle pour les entrepreneurs privés et à partir de 1888, pour le ministère de l’Agriculture et de la Commission du Québec, qui prend la relève pour la construction des ponts.
Les ponts rouges
Une fois le tablier protégé, il faut entretenir régulièrement la structure en bois au-dessus avec de la peinture. Pendant longtemps, la pigmentation rouge demeure le choix de couleur le plus économique. De plus, mélangée avec de l’huile, cette base offre une excellente protection contre les intempéries. Bref, un grand nombre de ponts en Outaouais sont de couleur rouge, d’où l’expression populaire « ponts rouges », même s’ils ne sont pas tous de cette couleur.
D’autres donnent une autre explication pour la couleur de la plupart de nos ponts couverts. En effet, ils laissent supposer que le rouge est lié au Parti libéral de Louis-Alexandre Taschereau, premier ministre du Québec de 1920 à 1936. Or, c’est à cette période que le ministère de la l’Agriculture et de la Colonisation construit le plus de ponts couverts en rouge, couleur que l’on associe depuis longtemps aux Libéraux. Cela dit, une telle affirmation véhiculée sans doute par des adversaires du régime relève plutôt du folklore électoral.
Nous poursuivrons le mois prochain sur le style des ponts couverts, les raisons de leur déclin rapide après la Seconde Guerre mondiale et le réveil pour sauver les derniers toits de nos rivières.
Voir Michel Prévost, « Les ponts couverts : les derniers toits des rivières de l’Outaouais », dans Hier encore, no 1 (hiver 2009) : 10-14.
Liste des ponts couverts de la Vallée-de-la-Gatineau
– De l’Aigle, rivière Désert, Montcerf-Lytton, 1925;
– Savoyard, rivière Gatineau, Grand-Remous, 1931;
– Cousineau, rivière Picanoc, Wright, 1932;
– Marois, Norhfield, pont privé, sert d’entrepôt, 1933.
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