Entrevue avec Julien Clerc
Par Guy Marceau
À le voir et à l’entendre, on a presque l’impression qu’il a toujours été l’un des artistes de notre paysage musical et culturel tant il a depuis longtemps marqué sa présence sur scène et sur disque. Avec ce trémolo dans la voix si caractéristique et ses chansons d’amour douces, le chanteur de 74 ans fait maintenant partie des grands de la chanson française aux côtés de Piaf, Brel, Brassens, Bécaud, Reggiani, Aznavour et j’en passe. Ses fans sont nombreux de deux côtés de l’Atlantique où l’auteur de Cœur de rockeur et Ma différence est acclamé à chacun de ses passages. …
Vous célébrez 50 ans de carrière cette année. Comment se déroulent vos activités et concerts de votre jubilé ?
On a dépassé les 50 ans maintenant ! En France la tournée a commencé en février dernier, et ensuite, jusqu’en décembre, avec ce passage d’un mois au Québec en septembre et octobre. On reprendra ensuite les spectacles en France pour le reste de la tournée. En janvier, février et mars 2023, on repartira dans une série de concerts dans de petites salles avec un spectacle acoustique plus intimiste où on ne sera que trois sur scène dont deux pianos. Voilà un peu mes activités pour la prochaine année où on sortira un peu des frontières de France pour visiter notamment quelques pays de l’Europe.
Qu’est-ce que la pandémie mondiale a changé dans votre agenda ?
Comme tous les artistes, j’ai des cycles dans mon travail où je compose, j’écris et j’enregistre. Ensuite vient la promotion tous azimuts. Durant les vagues de la COVID19, je n’avais pas prévu faire de la scène. Plusieurs de mes camarades ont été obligés de reporter ou même d’annuler des spectacles. Aujourd’hui, il y a comme un encombrement sur la route des tournées parce que tous reprennent le collier; la compétition est forte ! Cela dit, ça n’a pas empêché mon cycle de se réaliser. J’ai composé une grande partie de l’album Les jours heureux, qui est paru en février 2021, durant les restrictions sanitaires dont le confinement qui m’a en fait été plus salutaire que la majorité. Si ce n’est l’ambiance anxiogène qui était entretenue dans tous les pays du monde et relayée par les médias à juste titre d’ailleurs, ça n’a pas changé beaucoup de choses sur le plan professionnel.
Quand on parle de votre spectacle Les jours heureux, du même nom que votre album, vous annoncez un spectacle plus électrique qu’à l’habitude. Qu’entendez-vous par-là ?
En effet, et c’est, je crois, ce que les gens ont besoin, d’une énergie et une ambiance enlevée et même rock, le terme est bon. C’est ce que je vais faire. Ça faisait longtemps que je n’étais pas venu au Québec avec une telle formation, piano, basse, batterie et guitare. Ça sonne très bien ! Mes fans du Québec ont plutôt été habitués à des prestations plus acoustiques de ma part. Mais là, on va rocker ! C’est, à toutes fins pratiques, le même spectacle qui a débuté ma tournée en France. Avec la formation acoustique, ça viendra en fin de tournée.
Quel est le répertoire qu’on pourra entendre alors ?
Il y aura quelques pièces tirées de mon album précédent (Terrien), des chansons qui font partie de mon dernier disque Les jours heureux, où je chante des chansons en hommage à ces grands artistes de la chanson française, et enfin, il y aura beaucoup de répertoire avec des pièces que tous connaissent, mes grands succès quoi. Or, ce spectacle est organisé, si on veut, en trois parties. Il y en aura pour tout le monde !
Pourquoi avoir choisi le titre Les jours heureux ?
C’est un titre qui a un double sens et une double sonorité. Dès qu’un artiste se retourne vers le public sur scène, c’est forcément pour moi des jours heureux. C’est dans mon ADN ! Et par les temps qui courent, ça l’est encore plus puisqu’on nous a empêché de faire notre métier pendant deux longues années. Aussi, à l’époque où j’ai choisi ce titre pour mon spectacle, j’avais pensé à un album de reprises parmi les plus belles chansons du répertoire francophone. La plupart des artistes que je chante, je les ai connus et parfois côtoyés même à un moment ou à un autre de ma carrière. C’étaient, pour la plupart, des idoles de ma mère, et après, quand je me suis mis à chanter moi-même, j’ai pu les rencontrer. Forcément, ces moments de l’enfance et de l’adolescence où la vie est ouverte devant vous, c’est là l’essence des jours heureux pour moi. Cette génération de chanteurs est l’époque dorée de la chanson française. Mais Les jours heureux, ce n’est pas toujours de la nostalgie… Le monde a beaucoup évolué depuis, et en très peu de temps. Mais les paroles et les musiques de ces idoles sont restées intactes. Et ces musiques-là, pour nous les Français, c’est un peu comme pour vos voisins du Sud, leur Great American Songbook. Nous, on a les grands de la tradition française qui nous ont offerts de très grandes chansons d’auteurs et de compositeurs qui ont traversé le temps.
Vous avez bien quelques anecdotes que vous avez vécues auprès d’eux, à un moment ou un autre de votre carrière ?
Évidemment que durant mon spectacle, j’en profite et je parle à quel point ils ont été importants pour moi, jeune artiste en devenir, au fil de ma carrière. À titre d’exemple, j’ai fait la première partie du chanteur Adamo en 1968 et l’année suivante, la première partie en tournée de Gilbert Bécaud. C’était ma première Olympia et ce fut un triomphe ! Alors oui, j’ai plusieurs souvenirs impérissables de ces grands qui étaient pour moi des géants à l’époque où je débutais ma carrière. Donc, il est vrai que des anecdotes, j’en ai, mais il faudra venir m’entendre en spectacle pour les entendre sinon, je vais griller mon effet !
Vous avez donc eu l’embarras du choix pour déterminer le contenu de votre disque et de votre spectacle éponyme ?
Le répertoire est énorme. Ce qui se passe quand on fait des reprises, c’est un mélange de choix de cœur et de désir de plaire au public qui m’a suivi durant toutes ces années. Et il faut que ces chansons des autres me conviennent bien. Quand on fait des reprises, il faut être un peu jaloux ! Il faut se dire qu’on aurait tellement aimé les avoir composées, qu’on les choisisse au final pour les interpréter. Ce sont des chansons qui représentent tout de même une portion de l’histoire de nos vies, et on se les ai appropriées. Et comme j’ai eu la chance d’être l’héritier de ces gens-là, il y a une espèce de continuité, ça me permet d’effectuer mon métier de passeur aussi. Car à mon âge, je peux, en effet, passer le flambeau.
Car vous êtes septuagénaire maintenant. Comment vous sentez-vous ?
Ça dépasse mes espérances ! Honnêtement, et à cause de ces icônes-là, je pensais que lorsqu’on chantait, c’était pour que ça dure toute la vie parce que je les ai vus faire cela, avec des carrières qui ont duré. Mais j’aurais jamais pensé que ça dure aussi longtemps pour moi ! C’est donc, déjà, un cadeau de la vie hors du commun de pouvoir avoir la santé et l’énergie pour mener à bien mes activités et pour encore écrire de bonnes chansons qui vont traverser le temps. C’est ce que j’ai essayé de faire, et il n’était pas certain que je sois encore créatif à mon âge. Mais bon, la vie m’aura donné raison car, quand je m’asseois au piano, je suis encore capable d’inventer des mélodies, ce qui est mon métier depuis toujours.
Avec les années, vous avez tissé des liens très fort avec les québécois, vos amis du Québec, comment cela a pu aussi traversé le temps ?
Quand je suis arrivé au Québec, et la première fois c’était en 1969, en descendant de l’avion on m’a immédiatement emmené voir un spectacle d’Yvon Deschamps. Un humoriste de ce genre, ça n’existait pas en France à l’époque. J’ai eu la sensation d’arriver dans un pays étranger mais où on parlait français et avec Deschamps, j’étais soufflé en pleine poire avec le joual ! D’ailleurs, j’y suis retourné le lendemain soir; ça m’avait beaucoup plu mais je n’avais pas tout compris ! Dès le début, j’ai compris qu’on avait, entre la France et le Québec, des choses en commun et qu’on était tout de même dans un pays avec une culture différente, surtout à l’époque. Robert Charlebois était un des premiers à utiliser le joual dans ses chansons, par exemple. Or, culturellement, c’était très fort. Et c’est ce qui fait que j’aime toujours revenir au Québec. Et c’est toujours un peu dépaysant, dans le bon sens !
Pour toutes les dates consultez son site Internet à www.julienclerc.com
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